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1/ Pourquoi notre coopérative soutient cette coopérative
L'économie du Kerala est principalement agricole : le secteur emploie 17 % de la population active. Avec 33,4 millions d'habitants, le Kerala affiche une densité de population de 860 habitants au km². C’est l'une des plus élevées du pays. La population se concentre dans la plaine côtière où la densité de l'habitat crée une continuité ville-campagne. Le thé et le café sont les principales cultures des Gaths occidentaux, des zones semi-montagneuses à l’intérieur des terres plus difficiles à mettre en valeur. Le niveau de vie au Kerala est relativement élevé. Le revenu par habitant est passé de 5 100 Rs en 1992 à plus de 40 000 Rs en 2012.
Un des principal enjeux du commerce équitable dans cette région est le maintien : d’une activité agricole, des emplois ruraux et du modèle agro-écologique développé par les petits producteurs. Sans cette préservation les enfants de producteurs choisiront de délaisser l’activité agricole pour travailler en ville, laissant ainsi le champ libre à l’agro-industrie. Cette dynamique déjà à l’œuvre s’illustre notamment par la place grandissante prise par les plantations de thé à modèle capitaliste, qui occupent plusieurs milliers d’hectares au Kerala.
L’Inde est le 5ème pays producteur de café au monde, avec plus de 300 millions de tonnes produites chaque année. La production de café, très majoritairement du robusta, représente plus de 370 000 hectares dans le pays. Cependant, l’Inde n’est que le 12ème exportateur mondial, avec notamment une partie importante exportée sous forme de café soluble, et une consommation nationale conséquente.
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2/ Les valeurs que nous partageons
Fair Trade Alliance Kerala s’est créé en 2005 lorsque plusieurs organisations agricoles se sont fédérées en réponse à une grave crise agricole au Kerala.
En 2019, FTAK compte 4 184 membres répartis dans 4 districts du Kerala : Kannur, Kasargod, Kozhikode et Wayanad. Les membres sont de petits producteurs, avec en moyenne 1,5 hectare. Dans le district de Wayanad, certains groupements de base sont constitués de ‘tribal people’ installés par le gouvernement sur une zone protégée : chaque producteur a l’usufruit de 2 hectares, mais sans titre de propriété ni droit de vente, uniquement un droit d’usage, avec interdiction de couper des arbres. C’est dans cette zone que se trouvent la majorité des producteurs de café, membres de FTAK.
Les parcelles sont petites et extrêmement intensives avec de nombreuses cultures associées : les caféiers sont en intercalaire avec des cocotiers et des cacaoyers. Entre ces arbres on trouve des épices : des arbres type muscade ou girofle, des massifs de cardamome, des planches au sol avec le curcuma et le gingembre et le poivre tuteuré sur les arbres d’ombrage. Les espèces sont complètement mélangées sur l’intégralité des parcelles, y compris avec des cultures vivrières types tubercules, bananes ou maraîchage. Les producteurs ont fréquemment 1 à 4 bovins pour la production de lait ainsi que quelques chèvres. Le fumier est distribué au pied des arbres. Dans les zones montagneuses de Wayanad et Kannur, les parcelles sont fréquemment aménagées en terrasses avec des murets de pierre. Certains producteurs mettent les fibres de coco au pied des arbres pour conserver l’humidité en saison sèche. Certaines exploitations sont irriguées lorsqu’une source est accessible : cette irrigation permet de meilleurs rendements, notamment pour le café, mais aussi pour la noix de coco et certains épices. Faute de main d’œuvre, les producteurs ne peuvent réaliser plusieurs phases de cueillette. Pour les fermes irriguées, la production arrive à maturité de façon plus uniforme, permet d’optimiser le temps de récolte. L’irrigation apparait donc comme une réponse au manque de main d’œuvre. Ce manque illustre bien le désintérêt porté à l’activité agricole faute de débouchés rémunérateurs.
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3/ Leur terroir & leur savoir-faire
Les membres de FTAK ont la capacité de produire 650 tonnes de café robusta, dont la collecte est décentralisée dans plusieurs dizaines de points de collecte. 80% des volumes collectés le sont sous forme de café ‘nature’ : les cerises rouges de café, cueillies à la main et à maturité, sont séchées entières avec leur peau au soleil. Plus tard, un passage en machine permet de séparer le grain de café de son enveloppe. A l’inverse, 20% des volumes sont transformés par « voie humide » : les cerises de café fraîches sont collectées puis emmenées dans une unité centralisée pour être dépulpées. Les grains de cafés sont alors mis à fermenter dans des bacs pendant 24h environ, puis brassés dans l’eau courante pour être lavés. Les grains sont ensuite séchés à l’air libre sur des claies ou directement sur des dalles en béton, avant d’être stockés en sacs de jute en attendant l’export.
A moyen terme l’ambition des producteurs est d’installer 8 unités décentralisées de lavage de café directement dans les communautés, afin de générer de l’emploi et de la valeur ajoutée au plus près des producteurs. De fait, entre la vente de café nature sur le marché local et la vente de cerises fraîches pour réaliser un café lavé, la différence de prix payé au producteur pour un volume équivalent varie du simple au double !
Pour un producteur moyen qui cultive une parcelle de 0,8 hectares où les caféiers sont intercalés avec des épices (muscade, cardamome, girofle, curcuma et gingembre), des arbres d’ombrage (nécessaires aux épices), fruitiers, cocotiers, et cacaoyers, on estime une densité de l’ordre de 650 caféiers à l’hectare, contre 1 200 à 2 000 caféiers/ha en monoculture intensive. Dans ces conditions, les revenus issus de la vente de café biologique et équitable à FTAK génère un revenu moyen de 2 200 euros. Lequel est complété par la vente d’épices et autres productions de rente.
Néanmoins, faute de marché, l’achat de café par FTAK auprès des adhérents ne représente 65 à 70% du potentiel de production des membres. Afin de consolider cette démarche, l’enjeu est donc d’augmenter les volumes de cafés biologiques commercialisés en commerce équitable, et d’augmenter la part de café lavé.
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4/ Ce que nous construisons ensemble
FTAK revendique une vision politique du commerce équitable, axée sur l’autonomie et la résilience des producteurs. L’attention est donc portée non-seulement sur les cultures de rentes, génératrices de revenu via l’export et les débouchés du commerce équitable, mais aussi sur les cultures vivrières qui assurent la sécurité alimentaire des familles de producteurs.
Cette volonté de résilience se traduit par une stratégie de diversification des cultures. La diversification est à la base du modèle agro-écologique. Au-delà, elle permet de moyenner le risque économique et les revenus des producteurs. Si les évènements climatiques touchent une culture – comme les inondations de 2018 puis 2019 qui ont particulièrement touché la production de café – d’autres productions ne seront pas affectées. Par ailleurs, si le prix d’un produit varie sur le marché local ou international, la ventilation du revenu sur différentes cultures limite la dépendance économique, et évite des chocs brutaux en cas de chute de prix. A la suite des inondations de 2018, FTAK a mis en œuvre un programme d’urgence à caractère social, via la distribution de plants et d’animaux aux producteurs sinistrés, afin de les aider à relancer leur production.
FTAK développe une vision sur 3 axes : Biodiversité, Souveraineté alimentaire et Genre. La prime de développement versée à la coopérative est fléchée sur des actions en lien avec ces thématiques. Par exemple FTAK a appuyé l’émergence de 82 Self Help Group (SHG). Ces groupes d’entraide réunissent une vingtaine de membres qui mettent en œuvre des activités connexes à FTAK : épargne, travaux collectifs, vente de légumes sur le marché local, collecte et préservation de semences de variétés anciennes (légumineuses, bananes, tubercules, piment etc)... Ce sont notamment les SHG qui participeraient à la construction des 8 stations de lavage du café, et qui en bénéficieraient directement. Ces SHG sont soutenus dans leurs activités par la coopérative qui finance certaines dépenses à travers la prime de développement, comme, par exemple l’achat frigo pour conservation semences.
Au titre de la biodiversité et des semences, FTAK organise chaque année le Seed dont l’objectif est la préservation et l’échange de variétés anciennes, mais qui est également un évènement de sensibilisation, de formation et d’échange entre les petits producteurs du Kerala.
Le commerce équitable alimente et renforce une dynamique sociale qui permet de concilier exportation et marché local, cultures de rente et souveraineté alimentaire.